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Prix Schläfli 2018 de biologie : Hester Sheehan

Les noctambules aiment bien porter du blanc dans certaines boîtes de nuit, car la lumière UV embellit. Les chercheurs ont mis longtemps à remarquer que les plantes avaient aussi une vie nocturne similaire : la couleur des fleurs et l’attrait qu’exercent certains insectes pollinisateurs ou oiseaux s’influencent mutuellement, ce qui est depuis longtemps un champ de recherche important. Or, les chercheurs – en raison des horaires de travail habituels – ne se référaient qu’à la situation en plein jour, qu’aux fleurs multicolores et aux yeux spécialisés dans les couleurs. Dans ses travaux de recherche, Hester Sheehan s’est intéressée en revanche à la face sombre du phénomène : des pétunias d’un blanc insipide, mais qui paraissent visiblement noirs dans le spectre UV. Un accroche-regards pour les papillons de nuit nocturnes en quête de nectar.

Prix Schläfli 2018 Biologie: Hester Sheehan

La jeune chercheuse n’avait pas forcément besoin d’être une couche-tard pour effectuer son expérimentation. Elle a dû décevoir les espérances de ceux qui pensaient qu’elles faisait partie du genre ennuyeux qui passe ses journées (et de temps en temps aussi une nuit) dans son laboratoire. Aucune enquête sur le terrain, aucune expédition avec des lampes UV – il s’agissait avant tout de repérer les gènes responsables des différents coloris des inflorescences. Mais la question qui se pose n’en est pas moins intéressante : que se passe-t-il au niveau de la régulation génétique lorsqu’une plante s’adapte à un nouveau pollinisateur ? Quels sont les mécanismes précis qui régissent les glissements génétiques ? Sheehan a pu démontrer, en faisant preuve d’un travail de détective minutieux dans le domaine de la biologie moléculaire, que les précurseurs de l’espèce qu’elle étudie ont été pollinisés par des abeilles et que le gène MYB-FL qu’elle avait découvert à l’époque n’était guère actif. Dans une première phase évolutive, le gène a été activé, à la suite de quoi les substances produites ont dominé sur la pigmentation et les fleurs ont blanchi, attirant la nuit les papillons de nuit. Lorsque le gène, dans la phase évolutive suivante, a muté et perdu toutes ses fonctions, la couleur a de nouveau changé. Dès lors, des colibris ont soudainement été plus attirés par la fleur, de nouveau pendant la journée.

Sheehan a connu le moment le plus exaltant de ses travaux de recherche le jour où, dans sa serre, au milieu de centaines de fleurs de la même couleur, elle a aperçu pour la première fois une fleur d’une couleur un peu plus claire. En tenant littéralement dans ses mains la preuve de la mutation génétique espérée, elle a réalisé qu’elle était parvenue à l’issue de ses travaux de recherche. Se pouvait-il qu’un seul gène soit responsable d’un changement décisif de couleur et de la création d’une nouvelle espèce ? Détenir une preuve tangible de cette sorte n’est pas une chose qui arrive tous les jours à un biologiste , surtout lorsqu’il s’agit d’adaptations complexes comme une mutation de la pollinisation. Avant que sa théorie puisse être confirmée en laboratoire, il y a eu encore un long chemin à parcourir fait d’une multitude de petits progrès et de petits reculs, de doutes et de recentrage. Sheehan trouve que cette progression en zigzag témoigne d’une qualité spéciale que toute chercheuse devrait posséder : apprendre à recentrer sans cesse ses priorités et juger si la démarche actuelle est toujours pertinente. Ou s’il ne vaudrait mieux pas remettre pour soi-même les pendules à zéro.

Hester Sheehan a reçu de l’Académie suisse des sciences naturelles le Prix Schläfli 2018 de biologie pour son article « MYB-FL controls gain and loss of floral UV absorbance, a key trait affecting pollinator preference and reproductive isolation », qu’elle a publié dans le cadre de sa thèse de doctorat à l’Université de Berne. Elle poursuit maintenant ses travaux de recherche à l‘Université de Cambridge.

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