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«Prendre en compte la diversité des genres est bon pour la science»

Carte Blanche à Astrid Oberson Dräyer, Carmen Faso et Didier Picard

Le fait d’attendre de la part des femmes qu’elles se comportent et agissent telles que leurs collègues masculins, notamment pour satisfaire aux critères d’excellence actuels, les femmes sont nombreuses à quitter le domaine scientifique après leur doctorat ou leur post-doc. Pour colmater cette brèche, il convient d’élargir l’éventail des possibilités de carrière, des modèles de comportement et de travail acceptés.

Astrid Oberson Dräyer, Carmen Faso, Didier Picard
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L’article traduit l’opinion personnelle des auteurs et n’est pas nécessairement conforme à la position de la SCNAT.

Il est toujours (inconsciemment) attendu de la part des femmes qu’elles se comportent et agissent comme leurs collègues masculins, surtout quand il s’agit de satisfaire aux critères d’excellence du milieu académique. Ironiquement, cela se voit souvent dans les programmes des cours de leadership visant spécifiquement les femmes occupant des postes à responsabilité. Même si elle part d’une bonne intention, cette approche ciblée suggère que les femmes ont besoin d’apprendre quelque chose que leurs homologues masculins savent déjà bien faire, et qui ne nécessite pas de formation particulière de leur part. La définition de modèles de leadership efficaces et durables dans le domaine académique qui sont soucieux de l’intégrité et mettent l’accent sur des critères d’excellence atteignables et transparents contribuera à rendre les environnements de travail plus équitables et attrayants, de façon à soutenir une science de haut niveau.

Égalité des genres ne veut pas dire uniformité des genres

Nous aimerions souligner qu’il ne faut pas confondre égalité des genres et uniformité des genres. Il y a des différences neurobiologiques entre les femmes et les hommes, et l’environnement socio-culturel contribue encore à modeler et à accentuer les différences de genre. Cela souligne le besoin de diversité et d’élargissement de l’éventail des modèles de travail et des comportements acceptés. Les critères d’excellence actuels englobent la compétitivité, la mobilité, la science comme seul centre d’intérêt et comme seule activité significative, et une disponibilité à travailler tout simplement illimitée combinée à de nombreuses années dans des postes mal rétribués avec une insécurité de l’emploi. En raison de ces conditions de travail, les carrières universitaires étaient traditionnellement un bastion masculin, et les hommes pouvaient compter dans leur vie privée sur le soutien important de leur épouse, voire de leurs domestiques.

L’égalité est capitale pour la société

Chacun s’accorde à reconnaître que l’égalité, et plus précisément l’égalité de traitement et l’égalité des chances, n’est pas seulement juste, mais joue aussi un rôle essentiel pour qu’une société puisse bénéficier de la diversité des compétences et des connaissances, quels que soient le genre et l’origine. Alors, pourquoi ce résultat tellement souhaité reste-t-il hors d’atteinte? Qu’est-ce qui empêche l’établissement de l’équité et de la diversité au sein du personnel universitaire? Et comment pouvons-nous aborder ce problème et le régler définitivement?

Des réponses possibles et des solutions concrètes ont été explorées dans une série de webinaires en neuf épisodes réalisée à l’automne 2021 et organisée par la Plateforme Biologie de la SCNAT. Le thème principal était le phénomène de la «leaky pipeline», ou problématique du tuyau percé, cette métaphore illustrant bien la sous-représentation croissante des femmes au fur et à mesure que sont gravis les échelons hiérarchiques pour accéder à des postes de direction dans la recherche ainsi que dans le management scientifique et académique. Les mesures et les solutions identifiées sont individuelles, mais aussi collectives et institutionnelles. Pour les mettre en œuvre, il faudra souvent du temps, et de nombreux défis devront encore être relevés jusqu’à ce que des résultats significatifs soient observés à grande échelle.

De multiples raisons expliquent pourquoi les jeunes femmes, mais aussi les jeunes hommes, travaillant dans la recherche, et souhaitant avoir une vie plus équilibrée, luttent pour rester dans la science et finissent souvent par la quitter.

Quelques idées concrètes pour nous aider à avancer

Il faut

  1. continuer d’explorer les conditions de travail alternatives, que les femmes (et les hommes) trouvent attrayantes. Il serait possible de s’inspirer du secteur privé et d’inclure des aspects comme le travail à temps partiel, la stabilité de l’emploi, l’équité salariale, les horaires de travail flexibles, etc.
  2. proposer un réel soutien aux familles et aux jeunes parents comme des solutions de garde disponibles, souples et surtout abordables, et promouvoir une vraie égalité et une vraie diversité en offrant des congés de maternité et de paternité équivalents et flexibles pour les deux parents.
  3. intégrer et prendre en considération les changements sociétaux en cours dans les futurs critères d’évaluation, de recrutement et d’attribution de fonds, par exemple par le travail à temps partiel sans pénalisation et le partage de postes à des fonctions dirigeantes (top sharing) dans la science.
  4. éliminer les biais de genre et leurs présomptions de compétences en proposant une formation de leadership à toutes les personnes commençant à exercer des fonctions dirigeantes, qu’il s’agisse d’hommes et de femmes. Ces cours devraient promouvoir et célébrer la diversité dans les modèles de leadership. Cela requiert une réflexion sérieuse de la part des responsables d’institutions, des décideuses et décideurs dans le domaine de l’éducation supérieure et des personnes en charge de la politique.
  5. et bien sûr, faire prendre conscience des stéréotypes et des biais souvent inconscients à tous les niveaux du système académique.


Astrid Oberson Dräyer, docteur ès sciences, est senior scientist à l’EPF de Zurich et ancienne présidente de la Société suisse d’agronomie (SSA). Carmen Faso est professeure à l’Université de Berne et co-présidente de la Plateforme Biologie de l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT). Prof. Didier Picard est professeur émérite à l’Université de Genève et ancien président de Life Sciences Switzerland. Ils étaient tous membres du comité en charge d’organiser la série de webinaires «Achieving Gender Equality and Diversity in the Natural Sciences» (Atteindre l’égalité entre les genres et la diversité dans les sciences naturelles) en 2021 et sont reconnaissants du soutien et de la collaboration de Caroline Reymond, collaboratrice scientifique de la Plateforme Biologie à la SCNAT, pour la rédaction de ce texte.

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