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Débat Neufeld

La physique est bonne pour la santé !

Le physicien Jonas Knüsel (SWAN Isotpen AG) et le médecin nucléaire Sabine Weidner (Hôpital de l'Ile Berne) ont discuté de l'utilité et des perspectives de la physique médicale et en particulier dans le domaine du dépistage du cancer à l'occasion d'un débat au lycée Neufeld de Berne. Un débat sur internet (Hangout On Air) a déjà eu lieu sur le même thème le 31 octobre. Il s'agissait du second des sept Double dialogues dans le cadre du projet Interactions financé par le Fonds National suisse. Les deux manifestations étaient intitulées 'La physique est bonne pour la santé'.

Sabine Weider et Jonas Knüsel

Il ne serait pas en mesure d'affirmer si la physique est vraiment bonne pour la santé dans la mesure où il ne l'enseigne pas. C'est avec cette drôle de remarque Matthias Küng, professeur de chimie et recteur du lycée Neufeld (département mathématique et sciences naturelles) de Berne a ouvert le débat ce 5 novembre dans l'amphithéâtre de son lycée. Deux exposés ont introduit le débat dans lesquels Jonas Knüsel et Sabine Weidner ont présenté leur activité à l'hôpital de l'Ile de Berne.

Quand l'oxygène devient du fluor

Knüsel, physicien diplômé de l'Université de Berne, ouvrit le débat. En mai 2013, le physicien a considérablement participé à l'intégration du cyclotron de la société SWAN Isotopen AG à l'hôpital de l'Ile. Le cyclotron est un accélérateur de particules de 23 tonnes et de deux mètres de diamètre qui permet la production de l'isotope radioactif fluor 18. A cette fin, des protons sont accélérés dans un champ électrique puis conduits sur de l'eau lourde. Knüsel décrivit la suite du processus avec ces mots : « C'est comme au billard : le proton rencontre le noyau de l'atome d'oxygène dans la molécule d'eau - le proton reste dans le noyau et en rejette un neutron. » Ce processus permet de transformer l'oxygène en fluor et concrètement en fluor isotope 18. Lors de l'étape suivante, l'isotope radioactif s'allie au sucre (glucose). Le radiopharmaceutique FDG (fluorodesoxyglucose) est issu de cette synthèse. Cette substance peut être injectée aux patientes et patients en vue de dépister les tumeurs cancéreuses. Jusqu'à présent, FDG est fabriqué dans trois villes en Suisse : Zurich, Genève et depuis peu à Berne. Le fabricant, SWAN Isotopen AG, est une société privée. Elle fournit actuellement le FDG exclusivement à l'Hôpital de l'Ile mais cela devrait changer. « Nous sommes en train d'acquérir d'autres client », affirma Knüsel. En principe, tous les clients situés à moins de quatre heures de route de Berne devraient pourvoir être fournis.

Knüsel fit également état de son quotidien professionnel qui se prolonge souvent la nuit. En effet, pour que le FDG soit disponible pour les clients le matin à 8 heures, il doit être produit juste avant pendant les heures de nuit. Fluor 18 a une période de demi-vie de tout juste deux heures (109 minutes). C'est pourquoi la substance ne peut être appliquée que pendant quelques heures pour des diagnostics et devient inutile pour la médecine une fois ce délai écoulé. Cela explique pourquoi Knüsel commence le travail à minuit. De 1 à 3 heures du matin, le cyclotron fluor 18 est fabriqué. Ce dernier est ensuite synthétisé en FDG de 3 à 4 heures dans des conditions stériles. De 4 à 5 heures, la substance est emballée et soumise en parallèle au contrôle de qualité requis. « De 5 à 6h30, il reste la paperasserie à accomplir », ajoute Knüsel. C'est une condition indispensable pour que les médecins soient vraiment autorisés à appliquer la substance chez les patients.

Dépistage prévis des tumeurs cancéreuses

Sabine Weidner poursuivit alors le fil de Jonas Knüsel dans son exposé. Elle montra comment des patientes et patients ont été examinés avec le scanner PET après une injection de FDG. La tomographie d'émission de positrons (PET) est un procédé de formation d'image de la médecine nucléaire qui génère des images en coupe d'organismes vivants que la répartition d'une substance au marquage radioactif dans l'organisme rend visibles. Pour cela, on utilise les positrons créés lors de la dégradation du radionucléide (fluor 18). Les positrons interagissent avec des électrons et émettent deux photons de rayonnement gamma qui se répartissent dans la direction exactement opposée puis sont mesurés par le scanner PET. Les données recueillies permettent de déduire la répartition spatiale du fluor 18 dans le corps. Dans la mesure où le fluor 18 se dépose de préférence dans les tumeurs, celles-ci peuvent être localisées avec une haute précision. De cinq à sept patients sont examinés quotidiennement de cette manière sur les deux scanners PET à l'Hôpital de l'Ile à Berne.

« Ce que nous faisons dans la radiologie n'est pas une activité purement médicale et c'est ce qui rend le travail aussi intéressant », affirma Weidner. Sous le regard intéressé du public, entre autres les élèves du lycée Neufeld mais également plusieurs personnes plus âgées, le médecin expliqua les diagnostics qu'il est possible de déduire à partir des images PET. » Sur l'image ici, nous voyons quelque chose qui ne devrait pas s'y trouver », indiqua Weidner en pointant l'image du scanner PET sur l'écran. Weidner a identifié le point problématique d'un œil d'experte comme étant une métastase, c'est-à-dire une tumeur secondaire. La haute précision de la localisation des tumeurs cancéreuses est atteinte lorsque l'image du scanner PET est combinée avec une image de la même région du corps issue des tomographes assistés par ordinateur (CT). « Nous pouvons regarder le système organique complet avec un seule examen », souligna Weidner, un des avantages de cette méthode. Un examen coûterait entre 2000 et 2600 Francs. Weidner ajouta que cette dépense financière serait compensée par l'évitement d'examens et d'opérations inutiles.

La physique n'est pas toujours bonne pour la santé

Le modérateur du débat, le journaliste scientifique Benedikt Vogel se référa alors au titre du débat et demanda si la physique était vraiment bonne pour la santé. « Je ne peux pas soigner les gens comme un médecin », répondit le physicien Knüsel en complétant « mais c'est une motivation supplémentaire de savoir qu'on produit quelque chose qui aide les gens. » Sabine Weidner n'a pas voulu laisser cette affirmation dans cette généralité. « Je ne peux pas entièrement cautionner cela. Si on regarde l'effet des bombes atomiques et Fukushima, on ne peut pas dire que la physique soit bonne pour la santé ! » Weidner fit alors référence aux dangers que représente le rayonnement radioactif dans la médecine également. Pour cette raison, il serait essentiel de réfléchir à l'utilisation ou non du radiodiagnostic et de la radiothérapie : « Pour chaque patient, nous nous posons la question : Est-il judicieux de faire l'examen ou non. » Dans le contexte, elle se souvient d'une célèbre remarque de Paracelse : Le dosage fait le poison. Un principe qui s'applique justement pour l'utilisation de la radioactivité dans le contexte médical.

Les dangers possibles que représentent les substances radioactives ont été mentionnés dans un sondage près du public. Une auditrice fit référence à un article de presse qui démontrait que la charge radioactive dans le contexte médical pourrait engendrer de nouvelles maladies. Weidner n'exclut pas cette hypothèse. Elle énuméra différents exemples dans lesquels un diagnostic de tumeur par PET/CT ne serait pas judicieux ou cacherait des dangers ou pourrait même provoquer des dommages. Toutefois, elle mentionna également le cas où un recours précoce au diagnostic par FDG aide les patients à éviter les dommages.

Référence au débat en ligne

Lors du débat en ligne sur le même sujet de discussion le 31 octobre, modéré par la journaliste scientifique Christine Plass, la question à savoir la quantité du rayonnement radioactif que le patient reçoit lors d'un diagnostic par PET/CT. Weidner expliqua sur le podium du lycée de Neufeld qu'avec l'examen, il ne s'agissait pas d'une " irradiation négligeable " et l'estima à 7,4 Millisievert (mSv). C'est environ la quantité qu'un suisse reçoit sur une période de deux ans sous forme de rayonnement normal dans un quartier moyen. Au regard de ce constat, le médecin nucléaire ne montra aucune compréhension pour la tendance observée aux Etats-Unis qui tend à effectuer les examens PET également pour tester la condition générale corporelle. Des examens effectués par des fournisseurs privés pour des raisons commerciales. « Dieu merci, les hôpitaux universitaires ne doivent pas agir comme des entreprises privées. Nous pouvons dire : nous ne faisons pas cela, point. »

Des mesures de précaution spéciales sont prises pendant le traitement afin de ne pas mettre en danger le personnel de l'hôpital et les proches des patients ayant reçu le FDG. Weidner : « Je ne voudrais pas enlacer un patient qui vient de recevoir une injection de FDG. » Dans la mesure où le fluor 18 perd rapidement son activité et que, de plus, se biodégrade par les reins, le risque potentiel est éliminé après quelques heures. Knüsel souligna alors que le cyclotron est protégé avec 2,5 mètres de béton pour la protection de l'environnement, le laboratoire est équipé de dosimètres afin de détecter une éventuelle radioactivité. Toutefois, il n'y jamais eu de problème depuis la mise en service du cyclotron. Et même s’il arrivait qu'un isotope radioactif se dégage, cela n'aurait aucune conséquence significative, affirma Knüsel ; " Nous avons la chance d'avoir un isotope éphémère. En cas de fuite, la substance ne se répartirait pas dans l'air mais resterait sur le sol. Dans le pire des cas, il nous faudrait boire un café en attendant le jour suivant - le rayonnement serait alors retombé.

Un représentant inhabituel

Sabine Weidner et Jonas Knüsel n'ont pas seulement leur domaine d'activité en commun, ils sont également des représentants inhabituels de leurs groupes professionnels. Après le lycée à dominante économique, ses études en sciences physiques et sa promotion, Jonas Knüsel ne s'est pas tourné vers la recherche en sciences physiques mais il a débuté son activité en application pratique de la physique pour la société SWAN Isotopen AG. « J'ai saisi la chance d'aller dans l'économie privée et d'exercer la physique pratique. » En tant que médecin nucléaire, Sabine Weidner ne colle pas non plus à l'image communément admise d'un médecin. Selon Weidner, on ne peut pas ouvrir de cabinet médical en tant que médecin nucléaire. Cela expliquerait pourquoi cette spécialité n'est pas tellement appréciée parmi les étudiants en médecine. « C'est un petit domaine et un domaine très spécialisé. Il faut s'y connaître en oncologie, il faut avoir développé une compréhension pour les sciences naturelles pour comprendre les 'trucs de la physique' et les 'trucs de la chimie', il faut avoir un esprit de chercheur et savoir découvrir des nouveautés. Dans le cas contraire, l'activité peut devenir un peu ennuyeuse. Ceux qui ne peuvent pas se décider entre la physique, la médecine et la chimie car ils s'intéressent à tout trouveront leur place chez nous. » Weidner a elle-même commencé dans un lycée à dominante musicale puis exercé la musique et est passée bien plus tard à l'oncologie. Une confrontation avec ce sujet dans sa vie personnelle l'a poussée dans cette direction.

Pour finir la discussion, les deux participants au débat ont jeté un œil sur l'avenir de leur domaine d'activité. « Je doute que le diagnostic connaisse beaucoup de changements car nos possibilités sont déjà très sensibles ; nous pouvons imager des tumeurs dans le domaine millimétrique », dit Weidner avant d'ajouter : « Je ne sais pas si on peut faire mieux. » Elle souhaiterait une radiothérapie encore plus performante. « Ce serait bien de pouvoir appliquer la radiothérapie de manière ciblée, c'est-à-dire : Si, en collaboration avec des pathologistes, biochimistes et des radiochimistes, nous pouvions atteindre des structures sur ou dans des tumeurs avec la radioactivité ou la chimiothérapie ou autre médication de manière ciblée afin de ne pas endommager les cellules saines. Jusqu'à présent, cela ne fonctionne par sur toutes les tumeurs », affirma Weidner. Jonas Knüsel ajouta que les progrès à venir en matière de diagnostic nucléaire auraient également des conséquences sur le côté physique du traitement. « Si de nouveaux produits devaient être utilisés pour lutter contre les tumeurs, il faudrait les fabriquer quelque part comme, par exemple, dans notre laboratoire ». « Il est possible qu'un nouveau cyclotron s'impose pour produire de nouvelles substances. » Le cyclotron du futur aurait à peu près la même apparence que celui d'aujourd'hui. « Peut-être un peu plus grand s'il nous faut plus d'énergie », affirme Knüsel.

Le service de radiologie de l'Hôpital de l'ile de Berne propose des journées de stage aux élèves. Des visites d'information sont également possibles pour des classes entières. Plus d'information sur nuklearmedizin@insel.ch ou doris.riedo@insel.ch (secrétaire de direction).

Le double dialogue « La physique est bonne pour la santé » fait partie d'une série de sept manifestations lors desquelles un physicien ou une physicienne et des représentants d'autres spécialités discutent de l'importance de la physique ou des sciences naturelles pour la société actuelle. La série de manifestations a été amorcée par le physicien Dr. Hans Peter Beck (Université de Berne / CERN) et le professeur Klaus Kirch (ETH Zurich). Elle est financée par le programme Agora pour la communication scientifique du Fonds National suisse. Afin de s'adresser à un public en ligne, toutes les discussions sont également diffusées sur internet (Hangout on Air) avec les mêmes participants.

Benedikt Vogel (publié le 15. 11. 2013)

  • Jonas Knüsel, physicien : « Je ne peux pas soigner les gens comme un médecin mais c'est une motivation supplémentaire de savoir qu'on produit quelque chose qui aide les gens. »"
  • Public attentif lors du débat du 5 novembre 2013 au lycée de Neufeld. Les élèves du lycée ont déjà participé au débat sur internet du 31 octobre.
  • Sabine Weidner, médecin : « Ceux qui ne peuvent pas se décider entre la physique, la médecine et la chimie car ils s'intéressent à tout trouveront leur place dans la médecine nucléaire. »
  • Jonas Knüsel, physicien : « Je ne peux pas soigner les gens comme un médecin mais c'est une motivation supplémentaire de savoir qu'on produit quelque chose qui aide les gens. »"Image : Yoshiko Kusano1/3
  • Public attentif lors du débat du 5 novembre 2013 au lycée de Neufeld. Les élèves du lycée ont déjà participé au débat sur internet du 31 octobre.Image : Yoshiko Kusano2/3
  • Sabine Weidner, médecin : « Ceux qui ne peuvent pas se décider entre la physique, la médecine et la chimie car ils s'intéressent à tout trouveront leur place dans la médecine nucléaire. »Image : Yoshiko Kusano3/3
2. Hangout On Air von teilchenphysik.ch
fichier audio de la présentation de Jonas Knüsel
fichier audio de la présentation de Sabine Weidner

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