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La recherche scientifique: entre sécurité et liberté

Coopération dans le domaine de la recherche scientifique avec des Etats autocratiques

C’est un bien menacé – il est d’autant plus important de la protéger: la liberté académique. Mais qu’est-ce que cela signifie pour la coopération internationale dans le domaine des sciences? Comment les universités peuvent-elles protéger les chercheurs internationaux contre les représailles? Et comment les organismes de recherche peuvent-ils se défendre contre l’espionnage? Le congrès «Une bonne recherche a-t-elle besoin de démocratie?» a apporté de nombreuses réponses.

Teaser Braucht gute Forschung Demokratie?
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Astrid Tomczak-Plewka

Un homme prend la parole à l’hôtel Kreuz de Berne, et on se croirait presque dans un James Bond. L’homme s’appelle Florian Lüthy. Il est responsable du pilotage du contre-espionnage au Service de renseignement de la Confédération SRC. Son diagnostic est sans équivoque: «Nous vivons une époque plus incertaine que la Guerre froide, avec l’apparition d’une nouvelle polarité entre la Chine et les USA, et diverses autres crises.» Il en appelle à la science: «La liberté académique implique une certaine responsabilité. Si les données de la recherche ne sont pas suffisamment protégées, elles peuvent par exemple être détournées pour le développement d’un programme d’armement autre part dans le monde.» L’homme des services de renseignement a pris la parole presque à la fin d’une manifestation de deux heures au cours de laquelle des spécialistes ont défini la liberté académique, montré comment et où elle est menacée et comment les scientifiques peuvent l’exercer.

La précarité de cette liberté – la liberté d’enseigner, la liberté d’apprendre et la liberté de publier sans restrictions les résultats de la recherche – était au cœur de l’intervention de Martina Caroni, juriste à l’Université de Lucerne et déléguée pour les droits de l’homme des Académies suisses des sciences. La liberté académique est ancrée dans la constitution de nombreux pays en tant que droit fondamental, mais il est possible de restreindre la plupart de ces droits fondamentaux. «La liberté académique est de plus en plus précaire», selon Martina Caroni. «Les restrictions concernent notamment les contenus de la recherche.» Et de citer la Turquie et la Hongrie comme exemples au niveau européens.

La science sur l’échiquier géopolitique

Dans son intervention consacrée à la coopération scientifique avec la République populaire de Chine, Ralph Weber a mis en évidence les lignes rouges qui sont franchies – parfois inconsciemment. Ralph Weber est professeur en European Global Studies à l’Institut d’études européennes globales de l’Université de Bâle et spécialiste de la Chine. Le monde académique est dans le collimateur des grandes puissances asiatiques depuis de nombreuses années. La Chine possède ainsi des centres de recrutement de talents en Suisse et organise des événements de recrutement de talents dans différentes hautes écoles suisses. Selon Ralph Weber, l’objectif est souvent de compenser la fuite des cerveaux de la «mère patrie». «Mais ces mesures visent également des Américains, des Britanniques ou des Allemands, parfois même des personnes du domaine militaire.» Comment les universités ainsi que les chercheuses et chercheurs doivent-ils faire face à cette situation? «Celui qui travaille avec des partenaires chinois doit être conscient des contraintes», explique l’expert. La réponse libérale et démocratique consiste à pratiquer une «coopération responsable mais informée». «Il serait naïf de miser uniquement sur la confiance personnelle. Nous avons besoin d’un point de contact pour les scientifiques qui envisagent une coopération avec des partenaires en Chine.»

Jan Marco Müller, Coordinateur en Science Diplomacy auprès de la Commission européenne, a quant à lui expliqué qu’un changement de climat se joue également sur le plan de la diplomatie scientifique: «Nous devons prendre conscience que la recherche et l’innovation sont à nouveau des pièces maîtresses sur l’échiquier géopolitique, comme pendant la Guerre froide.» Les «biens communs mondiaux que sont les régions polaires, les grands fonds marins et l’espace», traditionnellement gérés par la science, sont de plus en plus accaparés par les discours des milieux politique, militaire et économique. Malgré ce point de départ plutôt sombre, le diplomate scientifique a osé une conclusion prudemment optimiste. «N’oublions pas que le langage de la science est l’un des derniers langages universels que nous ayons encore».

Entre coopération et prudence

Le podium qui a suivi a montré la difficulté de trouver un équilibre entre liberté académique et sécurité (des données) dans la pratique. Sabin Bieri est directrice au Centre for Development and Environment (CDE) de l’Université de Berne, qui réalise des recherches notamment au Laos et au Rwanda en coopération avec des partenaires locaux. «Nous sommes constamment surveillés.» Pour elle, la priorité absolue réside dans la sécurité des partenaires de recherche. «Il nous est déjà arrivé de supprimer une autrice d’une publication pour la protéger.» Elle a cependant également souligné que le CDE bénéficie d’une certaine confiance de la part du gouvernement grâce à son travail sur le terrain depuis de nombreuses années, notamment au Laos. Et pourtant: «Même si la coopération avec le gouvernement se passe bien, nous devons rester prudents.»

Laurent Goetschel, directeur de la Fondation suisse pour la paix swisspeace et professeur en sciences politiques à l’Université de Bâle, estime lui aussi que la recherche «doit interagir avec le système concerné, sachant que certains pays n’ont pas la même définition que nous de la liberté académique». D’où la question, posée par l’animatrice – et probablement aussi par la majorité de la centaine de personnes présentes dans le public – de savoir si, dans ces conditions, la coopération avec des Etats répressifs a encore un sens. La réponse de Thierry Strässle, chef de cabinet et directeur adjoint à l’Institut Paul Scherrer PSI, est claire: «Nous, les démocraties occidentales, sommes sceptiques face à des pays comme la Chine... Mais si nous ne faisons plus rien, notre liberté de recherche sera limitée. Nous avons besoin de l’échange pour une plus grande diversité».

Toutes les personnes présentes étaient d’accord sur le fait que cet échange est essentiel. En revanche, les limites de la coopération ont fait l’objet de discussions. Laurent Goetschel a ainsi souligné: «J’ai déjà eu sciemment des contacts avec des services de renseignement étrangers. Je ne vois pas en quoi une meilleure compréhension de la position de la Suisse pourrait nuire aux étudiants ou à la Suisse.» La réponse de Florian Lüthy, des services de renseignement, est conciliante: «Je ne suis pas contre. Je veux seulement que vous soyez conscient des menaces qui peuvent exister.»

Au plus tard après ce tour de table, il était clair qu’il n’y a pas de réponse univoque à la question de savoir si une bonne recherche a besoin de démocratie. «La recherche technologique de pointe peut arriver plus rapidement à ses fins dans un système autocratique», selon Thierry Strässle. Mais il est également clairement apparu que «la recherche implique des responsabilités», comme l’a souligné Jürg Pfister, secrétaire général de la SCNAT, dans sa conclusion. «Et nous devons nous engager davantage pour la liberté académique.»

  • Martina Caroni, Universität Luzern
  • Ralph Weber, Universität Basel
  • Jan Marco Müller, Europäische Kommission
  • Podium mit Sabin Bieri, Laurent Götschel, Eliane Leiser (Moderation), Thierry Strässle und Florian Lüthy
  • Sabin Bieri und Laurent Götschel
  • Eliane Leiser (Moderation), Thierry Strässle und Florian Lüthy
  • Martina Caroni, Universität LuzernImmagine: Andres Jordi, SCNAT1/6
  • Ralph Weber, Universität BaselImmagine: Andres Jordi, SCNAT2/6
  • Jan Marco Müller, Europäische KommissionImmagine: Andres Jordi, SCNAT3/6
  • Podium mit Sabin Bieri, Laurent Götschel, Eliane Leiser (Moderation), Thierry Strässle und Florian LüthyImmagine: Andres Jordi, SCNAT4/6
  • Sabin Bieri und Laurent GötschelImmagine: Andres Jordi, SCNAT5/6
  • Eliane Leiser (Moderation), Thierry Strässle und Florian LüthyImmagine: Andres Jordi, SCNAT6/6
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  • Cooperazione internazionale

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